J’aime bien ces aventures de plein été à Paris. Un 14 août, où est-ce que je vais pouvoir manger ? Une photo appétissante sur les réseaux sociaux et tiens, si j’allais par là-bas… Me voici chez A mere, avec une référence au surréalisme en façade, « ceci n’est pas un bo bun », en référence à « ceci n’est pas une pipe » de René Magritte. L’adresse étant précédemment consacrée au bo bun et non à la pipe. Une petite salle lumineuse dans les tons bleutés, des tabourets, des tables en bois à partager avec les couverts disposés dans les bols et les serviettes à disposition. Au mur, une illustration au fin tracé rouge unique évoquant une cantine d’Asie, des gens dégustant entre extérieur et intérieur, c’est gai. On voit sortir le chef régulièrement de sa cuisine pour déposer les assiettes sur le grand comptoir présent dans la salle, secondé par un jeune homme en salle gentil et très attentionné. Au départ, on pense à une cantine de part ce décor et ce confort assez sommaire et en même temps, on sent que c’est plus que sérieux en cuisine. La carte arrive, il semblerait qu’elle soit unique entre déjeuner et dîner (il n’y a rien qui la distingue et on me le confirme quand je demande), des entrées entre 7 et 9 €, des plats à 18 et 19 €… Oh mince, tout ou presque fait envie. Je demande à Monsieur de m’aider dans mon choix, ce qu’il fait avec soin et je patiente gentiment…
La bisque de crustacés servie froide avec une multitude de petites choses qui en cachent encore d’autres… Sur le dessus, des tomates « datterino » (je ne connaissais pas, c’est une variété de tomates cerise) pleines de goût. Précision technique, elles sont émondées sans être cuites… Je ne peux m’empêcher d’y penser : la tâche doit être ardue pour ne pas abimer ces petites tomates à la chair fine et arrivées parfaitement à maturité. Bref, il y a aussi du fenouil en paillettes dans la bisque, des oignons rouges en pickles, des graines de tournesol, des feuilles de mélisse et sous tout ça, une ricotta légère et une crème d’olives noires… ça se cuillère, se mâche et se croque avec bonheur, j’en viens même à bien racler le fond de l’assiette.
Des encornets sublimes… Une chair infiniment tendre, une sauce au safran délicate, comme un coulis d’encre de seiche et piment d’Espelette (je l’appelle comme ça car il est assez réduit et nappant), des oignons de Roscoff dont chaque feuille est garnie d’une fine brunoise carotte et céleri un peu confite et quelques pétales d’amande torréfiés, c’est inattendu, délicieux. Pas une goutte à la fin, je peux vous l’assurer.
Pas de dessert pour moi, même si les « chocolat, rhubarbe, estragon », « pêche, ortie, rooibos » me faisaient de l’œil. Un déjeuner savoureux qui me fait me dire en réglant : je reviendrai pour le dîner, les vins, les desserts. Disons que les tabourets, je ne suis pas sûre de rester des heures et des heures dessus, mais les prix, la gentillesse et cette cuisine fouillée, affûtée l’emportent sur le petit confort. Et si le confort était autre, il faudrait alors s’attendre à d’autres prix.
Chez A mere, l’affaire en cuisine est entendue par le chef d’origine brésilienne Mauricio Zillo, en salle par le breton Mikaël Grou (anciennement en sommellerie à l’Hôtel George V) et derrière cette ouverture, il y a aussi le chef Juan Arbelaez (Plantxa à Boulogne).
Les prix ? Comme je vous le disais, 35 € entrée-plat et dessert, juste, imparable, pas de mauvaise surprise entre midi et soir. Carte des vins chouette et à prix doux me souffle un expert… Ouvert justement midi et soir du lundi au vendredi tout l’été et donc ce midi !
A mere, 49 rue de l’Échiquier, 75010 Paris, 01 48 00 08 28, métro Bonne Nouvelle