Des Gâteaux et du Pain est une enseigne créée par Claire Damon et David Granger. Je vous en avais déjà parlé ici, c’était en 2008… C’est amusant de lire ce que j’avais écrit et les commentaires suscités, ça me paraît être loin par rapport à la pâtisserie d’aujourd’hui, à la façon dont elle est évoquée et analysée dans les médias et perçue par les blogueurs et les lecteurs du web. Une mise en perspective intéressante qui a été provoquée par l’ouverture de la deuxième boutique Des Gâteaux et du Pain, au 89 rue du Bac dans le VIIe. Je commence à discuter alors avec Claire Damon présente et écarquille grand les yeux quand elle me parler des morceaux de musique avec lesquels elle crée, de sa détermination à créer une harmonie de couleurs en résonance avec la saison, de la profession qui évolue mais pas dans le bon sens. Au delà de ses goûts que j’ai eu envie de décortiquer, je lui ai proposé de l’écouter autour de sa prochaine collection afin de mieux comprendre le fonctionnement de la pâtisserie aujourd’hui côté coulisses.
Du rouge grenat au vert rhubarbe, ça c’est le printemps, avec tout ce qu’il traduit de retour à la terre, aux branches de rhubarbe et aux filaments, aux parfums entêtants de fraise.
Avec Claire Damon ce jour-là, nous avons procédé à une dégustation de ses dernières créations autour de la rhubarbe. Enfin, pas tout à fait, nous avons d’abord commencé par les glaces qui venaient de sortir de la turbine et qu’elle s’apprêtait à mettre en vente pour la première fois. Beaucoup de citron et cette idée sublime d’un peu de meringue crue qui apportait de la douceur au citron infiniment présent, autant dire qu’à 9h30, ça me mettait en jambes.
La rhubarbe, elle était là en textures différentes, différemment sucrée, acidulée, intense et je compris ce jour-là qu’après avoir eu quelques difficultés à l’appréhender, je ne pourrai plus vivre sans rhubarbe.
Avec Claire Damon, j’ai compris ce que la saison voulait dire en pâtisserie et ce que la surgélation (descente très rapide en température) apportait au métier et pourquoi les machines pouvaient être intelligemment adaptées à la main de l’homme et non pas l’inverse. Et aussi pourquoi la pâtissière choisissait de travailler certains fruits sauvages et français et ce qu’une cueillette de myrtilles de deux semaines seulement en Sologne voulait dire pour une boutique et comment il fallait travailler pour garder toute la fraîcheur et l’astringence du fruit et comment elle allait se démener pour avoir des fraises des bois françaises et non pas de Malaga qui viennent par avion. J’ai aussi compris pourquoi elle proposait une gamme de dix gâteaux et pas plus.
Claire Damon a aussi parlé des conditions de travail des employés, de vigilance, de respect, de transmission, du succès de la cuisine et de la pâtisserie dont les conséquences dans la formation sont parfois déroutantes. Non, quelqu’un qui est en train de se recycler et démarre tout juste ne peut pas faire aussitôt les finitions sur gâteaux qui arrivent seulement après des mois d’apprentissage. Et pourtant, ils sont nombreux à arriver sur le marché du travail. Alors que les apprentis sont de plus en plus difficiles à insérer en entreprise, trop coûteux à former pour une petite entreprise. « Le mono-produit ? C’est bien, mais qu’est-ce que les jeunes apprennent ? » Claire Damon le dit, elle s’inquiète pour la formation des jeunes, pour l’avenir de son métier, pour la différence qui doit à tout prix subsister entre les artisans et l’industrialisation de la pâtisserie. « C’est à ça qu’on sert nous, à faire rêver, à régaler ».
Des Gâteaux et du Pain, 63 boulevard Pasteur, 75015 Paris, 01 45 38 94 16, métro Pasteur et 89 rue du Bac, 75007 Paris, 01 45 48 30 74, métro Rue du Bac
Bonjour Caroline,
merci pour vos jolies articles et votre manière de partager avec simplicité vos découvertes et vos plaisirs. Je suis une lycéenne de 17 ans et je suis très (très) gourmande. J’adore aller faire le marché le samedi matin, demander pleins de renseignements chez l’épicier italien à côté de chez moi, écouter « on va déguster » le dimanche,… bref le monde de la gastronomie m’intéresse beaucoup.
En lisant la rubrique « à propos » j’ai vu que vous étiez devenu critique grâce à une candidature spontanée. Je me demandais si encore aujourd’hui les guides ou les journalistes acceptaient de telles candidatures, ou même s’ils acceptaient des stagiaires.
L’année prochaine j’entre en Première année de médecine ( rien à voir 😉 ) mais j’aimerai beaucoup voir « l’envers du décor », comment un critique travaille, choisit ses adresses, rencontre des professionnels.
Bien cordialement,
Mathilde
Bonjour Mathilde, merci pour votre message. Mes débuts, c’était il y a 12 ans et je ne sais pas comment cela fonctionne aujourd’hui. Mais je pense qu’il faudrait écrire aux maisons d’édition et aux magazines et leur montrer vos motivations, dans le cadre d’un stage, pourquoi pas. Vous me tiendrez au courant ? Bien à vous, Caroline
Bonjour Caroline,
Je suis une habituée de la première boutique Des Gateaux et du Pain, j’avais d’ailleurs laissé un commentaire lors de votre premier billet. Depuis, j’ai gouté de nombreuses créations de Claire Damon, et j’ai rarement été déçue. La tarte rhubarbe-pamplemousse est une merveille d’équilibre acidité/ amertume, un vrai bonheur. Je ne suis pas étonnée de lire tout le soin qu’elle apporte au choix des produits et à la réalisation de ses compositions, c’est du grand art.
En revanche, l’accueil reste le point faible de cette boutique: non pas qu’il soit désagréable, mais bon, tout cela manque un peu de chaleur humaine. On sent que tout ce petit monde se prend très très au sérieux. Mais tout cela n’est pas très grave comparé au plaisir pris à la dégustation.
Merci Aude pour ce commentaire et votre fidélité !