Voici une opération délicate. J’ai très envie de vous faire partager mon festin d’anniversaire de vendredi soir dernier tout en ayant bien conscience que les photos palissent à mesure que la nuit tombe et qu’elles ne rendent pas justice à la beauté des plats de la dernière heure. Je réfléchis et je me dis tant pis, je dois leur montrer ce qu’est une fête au restaurant. Une de plus (oui, avec Jean-François Piège et d’autres). Nous voici donc chez Kei, où j’étais déjà venue peu de temps après l’ouverture, je vous l’avais raconté ici (c’est fou, je viens de m’apercevoir que c’était il y a pile trois ans) et ça avait déjà été une danse. Au déjeuner, en solitaire, c’était moins festif, mais c’était déjà un très beau moment. Pourtant, le lieu est sobre, les murs blancs, la moquette et les quelques éléments de décor sont gris. Le soir, il y a ce lustre qui illumine la salle de faste et de gaieté. Et puis cet enchaînement, de formes, d’architectures toutes différentes, une diversité dans l’assiette qui prend toujours par surprise (la première fois en tout cas), des plats éclatés, d’autres resserrés, des splash, des waouh, comme le ferait une BD ! On est dans une gaieté folle, dans un amusement de tous les instants et dans un délice absolu. Voici la cuisine de Kei Kobayashi.
Des sorbets acides, des tartelettes sucrées aux petits pois, histoire de rafraîchir le palais.
Une asperge diaboliquement marquée au fer. Une note brûlée, une amertume, du jus, un peu de sel au yuzu, une crème très douce et des points de sauce qu’on balaie à l’envie.
Le jardin de Kei où je me suis perdue avec bonheur un bon moment. J’avais l’impression d’avoir rapetissé comme Alice au Pays des Merveilles et que je passais d’un buisson ou d’un arbre à l’autre en ne sachant où donner de la tête tellement tout était beau et bon. Crumble d’olive noire divin, mayonnaise aux anchois extra, crème verte à je ne sais plus quoi, tout ceci figure en abondance pour accompagner toutes ces pousses, ces fleurs et ces ces légumes, un enchantement ! Il y a également un morceau de saumon confit délicieux (caché sous la mousse que j’ai très bien toléré, je vous rappelle que j’ai du mal à supporter la mousse).
L’un des meilleurs tartares de Saint-Pierre que j’ai mangé dans ma vie (en même temps, c’est très rare). Chair exquise, pointe d’échalote très, très acide, cerise fraîche, l’extase.
Le turbot d’une cuisson hallucinante de perfection, un pesto à l’encre de seiche et ce condiment assez dingue dans ces notes fleuries et son harmonie en bouche de shiso, encornet et algues. Un très, très grand moment, j’avais ce sourire extatique (qui me fait me demander parfois si les autres clients le voient).
A ce moment là, il y a un plat de homard et de caviar fou aussi, mais dont les couleurs ne rendent rien, je préfère éviter, mais imaginez une chair de homard sucrée, juteuse et ferme qui se mêle à un jus de homard sublime, de la crème et un peu de caviar osciètre…
C’est là que la lumière faiblit et que les contrastes des photos déclinent un peu. Voici le bœuf simmental qui nous avait été proposé dès le début du repas en version morceau de boucher à l’indécente couche de graisse (comment dire non ?). La viande fait tout de suite prendre conscience de l’aspect persillé vu dans le morceau cru. C’est ferme, juteux, goûteux (les bœufs sont élevés en Suisse, allègrement massés et traités comme des semi-dieux apparemment) et quand on en prend un morceau avec un peu de gras (posé sur les haricots verts) qui entre les dents lâchent tout ce qu’il a à lâcher, je ne vous explique pas… Les haricots sont extra fins et croquants, le jus est terrible. J’adore les cacahuètes, ici, elles amènent un peu de croquant, mais le plat pouvait s’en passer selon moi.
L’un des desserts et le seul montrable (les couleurs font défaut ensuite), des cerises et des amandes fraîches, un jus acidulé et ces demi sphères qui rappellent les bonbons qu’on mangeait enfant avec un goût un peu acidulé de cerise, c’était une sensation de l’enfance, délicieuse et presque de bêtise.
Il y a eu d’autres très jolis instant sucrés, mais comme je vous le disais, je préfère ne pas les publier. En tout cas, la fête fut intense, gaie et délicieuse, tout ceci dans une ambiance calme vous vous en doutez, pas de serpentin et de chapeau pointu, mais d’une gaieté folle dans l’assiette et dans les yeux.
Au déjeuner, menus à 52 € et 96 €, le soir, menu à 99 €, 145 € et 180 €
Et j’en profite pour signaler la sortie de son livre magnifique, Kei Kobayashi, avec Chihiro Masui et Richard Haughton paru aux Editions du Chêne
Kei, 5 rue du Coq Héron, 75001 Paris, 01 42 33 14 74, métro Les Halles, Louvre-Rivoli
Kei c’est un peu une rafale qui arrive en pleine figure et dont les séquences marquent les unes après les autres…
Déjà une grande figure parisienne
Exactement ! Et il est vrai que le mot rafale convient bien, car le service est rythmé et en même temps pas précipité, c’est pile le bon timing