Ce n’est pas une question, mais bien le nom du restaurant où mon amie journaliste Sakiko avait eu la gentillesse de réserver une table. Un chef de chez nous, Stephan Pantel, marié au Japon dans tous les sens du terme depuis une dizaine d’années, à l’accent du sud qu’il se désole d’avoir perdu. Moi je dis qu’il lui en reste une pointe chantante et désopilante au cœur du quartier Gion à Kyoto, où les portes coulissent à l’envie, où les parois en bois prennent le pas, où la ville semble détenir des milliers de cachettes secrètes, vous en aurez un tout petit aperçu à la fin de ce post. Bref, chez Kesako, on s’installe au comptoir parmi une huitaine de places, pas plus, pas moins. Toujours cette sobriété et cette épure indispensables dans le décor, cette immense joie pour moi d’occuper une place qui semble si privilégiée, rendez vous compte. Ces restaurants qui reçoivent une huitaine de clients pour une soirée et leur dédient entièrement leur savoir-faire, c’est un privilège pour eux, pour nous, un moment partagé qui tient toujours un peu de l’exceptionnel. Une relation d’une grande pudeur et en même temps, d’une grande intimité à préparer aux yeux du client pour eux et à déguster aux yeux du chef pour nous, c’est cette relation paradoxale qui me fascine tant au Japon. Trêve de discours, à table maintenant ! Des accords audacieux, des cultures qui se fondent l’une dans l’autre, souvenirs délicieux et photos appétissantes, j’ajoute qu’on buvait les explications de Stephan sur chaque ingrédient.
Œuf mollet, truite ferme et fondante et peau, asperges, framboise, vinaigre de framboise.
Foie gras mi-cuit enveloppé de fines couches de légumes japonais fermentés (très, très longtemps), ces fameux pickles que l’on retrouve partout à Kyoto, enfin ceux-ci étaient issus d’un « élevage » particulier, ils avaient fermenté encore plus longtemps que les autres, ce qui est assez déconcertant pour nous français, où la culture de la fermentation longue concerne peu d’ingrédients en fait.
Comme des petits chipirons (il paraît qu’ils sont phosphorescents la nuit, imaginez le spectacle au moment où les pêcheurs les sortent de l’eau) des côtes japonaises cuits au vin rouge, des fèves, un gratin parfumé à la truffe et garni d’une pâte de gluten un peu gluante-collante comme j’aime, des pousses de mizuna puissant.
Un poisson dont je ne me souviens plus le nom, morilles bien alvéolées et moelleuses, asperges sauvages et saveurs acidulées et de réglisse qui se cachent sous et dans la mousse.
Un doux songe que le chef a voulu faire goûter à ses clients, agneau en trois façons, jeunes légumes de Kyoto, boulgour et mélange d’épices fleurant bon le Maghreb, on y est presque (d’ailleurs, j’y suis dans 2 jours, chic).
Pas fait exprès je vous jure, le chef nous présente son dessert en parlant d’accents de cheesecake, oh mince… Vous voulez l’explication ? Une mousse citronnée, des fraises confites et fraîches, un sablé breton et une glace au… miso-yuzu ! Impensable et je peux vous dire qu’elle scotche !!! La vache, ce parfum de miso qui se glisse dans la crème, le yuzu amer-acidulé, on a l’impression de croquer dans un cheesecake.
Edit : la surprise !
Sans vouloir faire littératrice (elle se nommerait Françoise Simone ;-), elle a surgi de nulle part au moment où l’on sortait du restaurant, elle s’est faufilée en s’engouffrant très vite dans une autre maison, j’ai juste eu le temps de dégainer mon appareil et de capter cette ombre, cette coiffure divine, ce kimono complexe, ces chaussures surélevées et hélas, pas ce triangle noir peint dans le prolongement de la naissance des cheveux. Elle est belle n’est-ce pas ? Mais si, écarquillez les yeux, rapprochez les de l’écran, bon cliquez sur la photo, juste à gauche des phares de la voiture… C’est très rare de les apercevoir, j’ai appris que les geisha se cachaient de plus en plus, de peur des touristes qui voulaient à tout prix les photographier (hmm) et de certains qui s’approchaient trop près ou qui s’accrochaient à elles, fous et ensorcelés.
Kezako, 075-533-6801, 570-261 sud Gion-cho, Higashiyama-ku
Oh ! Un kimono couleur yuzu pour cette geisha surprise…
Juste pour info, et sans prétention aucune de ma part : On appelle ces dames des Geiko, voire des maiko si elles sont très jeunes et encore en apprentissage de leur art de dame de compagnie. Le terme de Geisha désigne tout bonnement une prostituée. Je sais, vous allez me dire, c’est la même chose; Et bien non, au Japon, ce n’est pas la même chose; Encore moins à Kyoto. Et on reconnaît une maiko à sa ceinture (le obi) qui se déploie comme une traîne dans le dos; (Je regarde à nouveau la photo). Oui, c’est une maiko…
Olivier, non, geisha signifie « personne qui pratique les arts ».
Il est toutefois vrai qu’à Kyoto, dans le quartier de Gion, on appelle les apprenties des maikos et une fois qu’elles sont confirmées, des geikos.
Je rentre de Kyoto justement. Voici un billet qui ne me donne qu’une seule envie, y retourner le plus rapidement possible !
Merci Caroline pour ces chroniques toujours inspirantes !
superbe voyages dans le japonisant, des photos plus qu’alléchante, on a juste envie de prendre un avion et hop après 24heures le dépaysement total.
OK, Wikipedia dit bien que Geisha veut dire « personne qui pratique les arts ». Mais allez juste en parler à des japonais et vous verrez la tête qu’ils tirent quand vous leur parlez de geisha.
– Merci Olivier pour ces éclaircissements, tu soulignes le fait que j’ai qualifié cette jeune femme un peu à la hâte, en bonne française que je suis 😉
– Nat, je suis bien contente que ces quelques images vous donnent envie d’y retourner illico presto, elles me font le même effet.
– Franck, merci pour votre message.