La Madelaine-sous-Montreuil, un petit bout de village posé au pied de Montreuil-sur-Mer, ville joliment fortifiée dans ses plaines verdoyantes, à quelques kilomètres de la Manche et de ses plages longilignes. Le tableau est dépeint, approchons-nous de la Grenouillère, nom donné à cette jolie ferme picarde, construite sur les bords de la Canche, une rivière investie par les grenouilles, qui à la saison des amours ne manquent pas de se faire remarquer. Havre de paix, la Grenouillère est un patrimoine qui s’est transmis de Gauthier père (Roland Gauthier) à Gauthier fils, Alexandre Gauthier, 29 ans, un chef d’une redoutable maturité et d’une liberté à toute épreuve (membre de Générations.C). Une empreinte unique, des codes qui n’appartiennent qu’à lui, entre cuisine résolument contemporaine et produits bruts, dénués de tout effet. Au début, ça déroute et puis soudain, le plat s’éclaire, la cuisine se lit naturellement. Les saveurs, les parfums, les textures, rien n’est laissé au hasard, le talent d’Alexandre Gauthier s’immisce dans les moindres recoins, osant des choses que certains n’auraient jamais imaginé penser, sans jamais tomber dans la démonstration. Une cuisine contemporaine dans un cadre suranné, charmant, entre ses poutres robustes, ses carrelages anciens de toute beauté, ses drôles de fresques de batracien… Un contraste détonant. Soit dit en passant, Alexandre Gauthier vient de se voir attribué une première étoile au guide Michelin.
Bar cru, coques crues, le tout plongé dans une eau de mer reconstituée, quelques pluches d’herbe incroyablement fraîches et goûteuses, quelques extraits d’algues discrets. Le iodé vous envahit (sans vous faire boire la tasse) et vous séduit par ses saveurs et ses textures tout juste pêchées.
Avocat mûr à point, légèrement compoté, avec une lamelle de bar cru, quelques pluches d’herbes bien senties et ce joli tracé de condiments acidulés qui vient réveiller l’onctuosité de l’avocat. Le pain maison est absolument terrible, sans parler des deux beurres, doux et demi sel, produits par une ferme voisine.
Salade de pommes de terre revue et en même temps, avec tout ce qu’on désire secrètement en savourant une salade de pommes de terre. Des lamelles fines, fondantes et à la fois encore un peu croquantes, un assaisonnement légèrement moutardé et, attention… une glace à l’ail, mais pas n’importe quel ail, celui qui a grillé dans une noisette de beurre, les parfums de la glace le révèlent… Incroyable !
Moules frites, revue là encore par Alexandre Gauthier. Les frites ne contiennent aucune forme de pommes de terre, il s’agit de farine de riz… Ce qui lui leur donne du croustillant et cette saveur légèrement empreinte de l’Asie. Brochette de moules parfumées et sauce hollandaise (jaunes d’œufs, ciboulette, vin blanc…) émulsionnée dans le fond. Exquise gourmandise.
Bar enturbanné dans sa peau noire de jais, huile et fleur de colza et « cendres parfumées » nous dit-on. La chair du poisson est délicate, l’huile aussi, pas trop présente et soudain, c’est cette cendre dont on ne sait trop quoi attendre qui crée la surprise. Il s’agit de mie de pain à l’encre de seiche torréfiée et mélangée à du pavot, le tout finement haché et très croustillant, avec la chair du bar, c’est un délice.
Ris de veau extra fondant, surprenant par ses saveurs citronnées, remarquez ces cubes de gelée de citron délicieux et le citron façon marmelade en pointillés. Quelques zestes de citron vert et un parfum d’huile de noisette pour accompagnement et quelques champignons japonais enoki. Tendresse inouïe, saveur délicate acidité assumée.
Un pigeon servi plus rosé que rosé, d’une tendreté absolue avec une confiture de betterave au goût de betterave finalement assez discret et les premières groseilles de la saison. Le quadrillage de points de sauce laisse rêveur.
Pulpe de fruits de la passion vanillée et cubes de gelée de fruits rouges, qu’on imagine fraîche presque glacée et qui s’avère plutôt tiède. Un dessert de textures et de contrastes acides et acidulés qui me laisse un peu tiède aussi (exceptée la pulpe de fruits de la passion que je racle toujours jusqu’à la dernière goutte).
Alors là attention. Un dessert déroutant, fascinant, une peau de lait fermier (toujours la même ferme avoisinante), un lait de printemps qui commence à concentrer les saveurs et le gras (les vaches sont revenues dans leur pré, elles peuvent à nouveau savourer l’herbe tendre), que le chef a fait prendre façon peau de lait, avec un brin de gélatine. La peau est posée sur une glace au lait fermier, le tout saupoudré de cristaux de sucre. Crémeux, légèrement acide, sucré, le dessert osé par excellence.
Un seul regret, les photos… Une lumière directe sur certains plats, des contre-jours parfois, des ombres
portées, les photos font
perdre aux plats un peu de leur superbe… Aucun doute, il faut que vous alliez les admirer sur place…
La Grenouillère est fermée les mardi et jeudi, l’été, imaginez que vous pouvez vous y rendre 7 jours sur 7. Côté prix, formules déjeuner : 33 € et 35 €, menus à 55 €, 75 €, 90 €. Sans oublier les quelques chambres de l’auberge…
Auberge de la Grenouillère
19 rue de la Grenouillère
62170 La Madelaine-sous-Montreuil
T 03 21 06 07 22
Tags Technorati : auberge de la grenouillere, alexandre gauthier, montreuil sur mer, table a decouvert
Ayant été déçue moi aussi par cette adresse, j’aimerais savoir combien vous a coûté ce repas et si c’était un menu.
J’y ai dîné à la carte pour un prix prohibitif et des portions microscopiques.
Oanèse, il semble que nous n’ayons pas les mêmes saveurs en bouche et sans doute pas décelé le même chef qui se cache derrière. De la déception chez vous, un grand moment de cuisine d’auteur pour moi. Un chef qui a de la trempe, de l’audace, une vraie personnalité (à 29 ans, c’est bluffant).
Quant au menu, il s’agissait de celui à 90 €.
Effectivement, pas facile d’y faire de belles photos :o)
Mais nous partageons le même feeling et plaisir sur cette cuisine.
Je lis avec plaisirs comme me l’avait annoncé Alexandre que de nouveaux plats sont « sortis » de cuisine : avocat, bar, desserts… va falloir y retourner ! :o)
Au plaisir
L.
Laurent (GoT), je te le confirme, un vrai bonheur de les découvrir…
C’est quoi le principe ?
Mettre toute la nourriture d’un côté de l’assiette et laisser le reste vide ?
On a l’impression en voyant ces photos…
Chrisoscope, un spammeur qui ne respecte pas la netetiquette et qui envahi tous les blogs de son adresse pour essayer de leur piquer des lecteurs.
STOP a ces pratiques minables et arretez d’envahir également mon blog perso avec !
Le 7 mai dernier, nous avons fêté notre anniversaire de mariage avec le même menu dégustation (cf. notre blog).
Une expérience culinaire extraordinaire. Alexandre est cinglé mais totalement cohérent. Les accords sont justes, clairs. Et la carte des vins n’est pas en reste. Un vrai petit coin de paradis.
Alain ou Robert, de quoi parlez-vous? Vous divaguez il me semble.
Vous n’avez rien à faire à 3 heures du matin?
Vous avez un blog perso? où peut-on vous lire?
Parfois, il vaut mieux s’arrêter et vraiment se faire oublier.
– Chloé, c’est un regard porté sur l’assiette, une construction et un bonheur pour les yeux !
– François G, je vous suis, un coin de paradis !