Au printemps dernier, le chef Stéphanie Le Quellec investissait les cuisines de l’hôtel Prince de Galles situé avenue George V et ouvrait son restaurant La Scène après des mois de préparation, de recrutement… La gagnante de l’émission Top Chef faisait entendre sa voix à Paris et dans l’un de ses palaces qui marquait sa réouverture par la même occasion, avec beaucoup d’élégance. Je dis ça car j’ai eu l’occasion de tester son bar Les Heures et le tea time (signé du chef pâtissier Yann Couvreur) il y a quelques semaines et que je m’y suis sentie très bien (j’y reviendrai bientôt). Samedi soir dernier, la réservation était faite à La Scène. L’espace architecturé par Brunio Borrione (c’est aussi l’architecte des restaurants de Paris et de Valence d’Anne-Sophie Pic) est résolument contemporain, quant le bar, lui, se fond dans le style art déco. Tables en marbre, fauteuils mêlant le cuir et le bois, longues banquettes en cuir blanc (avec le parfait coussin pour caler le dos, testé et approuvé), courbes sensuelles et cette cuisine qui fait audacieusement partie de la salle sans qu’un son ne parvienne jusqu’à nous ou alors avec beaucoup de discrétion. La clientèle est surtout composée de Parisiens il me semble et de quelques touristes. A la toute fin de notre dîner, une famille royale de ce que l’on comprend arrive et s’installe pour le dîner. Rien que des femmes et des parfums d’ambre incroyables qui me font aussitôt décoller de Paris. Mais revenons à notre menu. Celui à 125 € est composé de 4 plats à choisir parmi les actes I (plutôt entrées), II (poissons), III (viandes), IV (desserts), mais on peut commander exactement là où l’on en a envie, ce que je trouve élégant aussi… On n’est ici pas contraint comme parfois dans un menu.
Pétoncle en amuse bouche.
Saint-jacques, lentilles fermes, mousse et chapelure de jabugo (jambon espagnol), des accents terre et mer délicieux.
Il faut avouer que les accords conçus par le chef dans chacun de ses intitulés a le don de vous faire saliver rien que par le pensée. Cela peut être fort inattendu et en même temps sembler très bien fonctionner. Onctuosité, sous-bois, acidité, je trouve des contrastes saisissants et absolument délicieux dans cette entrée aux cèpes que j’aurais bien déguster en version x4 tellement c’était bon (et même pour le geste aussi). Cèpe cru, saisi, sorbet au miso (oh la la, pas une once de sucre, qu’est-ce que c’était bon) et compotée d’aubergines légèrement acidulée. Et puis, le miso et l’aubergine, on n’a pas trouvé mieux hein. Grandiose. Et j’ai cru comprendre que le foie gras dans son bouillon de crevette rendait mon accompagnateur sans voix.
Le rouget cuit entier et comme inimaginable sur la photo complètement désarêté. Une chair de rouget comme je n’ai jamais eu l’occasion d’en déguster, en fait, c’était le meilleur rouget de ma vie (ça fait niais dit comme ça, mais c’est exactement ça)? Surtout que le rouget est déposé sur une sorte de réduction de jus de bouillabaisse qui l’envoie dans des sommets de goûts en osmose. Si je suis éberluée par le rouget, je le suis moins par les gnocchis qui manquent un peu d’élasticité pour moi, mais j’aime bien l’idée de poutargue râpée dessus (même si je la préfère en copeaux, question de texture là aussi).
Le veau en filet cuit à la ficelle, en onglet, en jus, le ris en chips et en boulette, la sauce servie à part, le poireau dans sa longueur, la carotte, le navet, tout ceci évoque la blanquette. Celle-ci est bien revue par le chef et je dois dire que chaque élément est absolument sublime de cuisson et de goût. Le filet est d’une tendreté rare, l’onglet vraiment goûteux. Mais très vite, je m’aperçois qu’il manque un élément essentiel indiqué dans l’intitulé : la poitrine (et peut-être que certains d’entre vous ont saisi à quel point je l’aimais) ! Je le signale, on me l’amène dans les quelques minutes qui suivent.
Trois morceaux grassouillets et laqués à souhait, c’est trop bon. Je n’ai cependant pas compris s’ils étaient censés être absents de l’assiette pour cause de commande en menu et non en version carte, ce qui me semble un peu étrange. Même si la version menu de l’assiette est légèrement revue en terme de proportion, il est censé figurer tous les éléments de l’intitulé selon moi.
Le dessert signé du cef pâtissier de la maison, Yann Couvreur donc. Des poires cuites au cédrat, ce qui leur confère un goût de bonbon acidulé comme j’en mangeais dans mon enfance, des petits shortbreads bien beurrés et un sorbet poire pris entre de fines couches de préparation qui se rapproche de la couverture bien cuite du flan (ce qui ressemble à des quarts de lune). C’est magnifique, peu sucrée, ça ponctue le repas avec délicatesse et élégance. Je signale aussi le dessert sur le thème de la menthe choisi par mon accompagnateur : la menthe, un parfum assez rare dans les créations de pâtissiers et qui trouve ici beaucoup de sens (associée au citron et au blanc en neige, c’était d’une légèreté inouïe).
Cette cuisine faite de contrastes, d’envies, de pures créations ou de références à des genres connus (la blanquette), de cuissons de génie (le rouget et le veau tout de même) me plait beaucoup et je serais heureuse d’y revenir. J’ajoute juste que je ne suis décidément pas sensible à la disposition des mets dans un coin de l’assiette (le rouget) croisée chez plusieurs chefs. Raisons graphiques, de déstructure ou d’esthétisme, hmm, moi ça ne me procure rien d’artistique. Nous avions choisi un accord mets et vins pour le dîner, j’ai été conquise par tous, notamment le Mercurey blanc, Les Vignes de Mallonge de Laurent Juillot (j’en veux encore !).
Côté prix, le midi, menu à 60 € et le soir menus à 125 € et 165 € (carte au blanche au chef).
La Scène, Hôtel Prince de Galles, 33 avenue George V, 75008 Paris, 01 53 23 78 50, métro Alma-Marceau