Je reviens d’Espagne où je suis allée découvrir entre Valence et Denia la cuisine du chef Quique Dacosta. Je la connaissais depuis un déjeuner il y a un an chez El Poblet où j’avais découvert la gamba de Denia qui restait dans mon esprit comme l’un des points culminants du repas. La proposition de ce restaurant ouvert il y a 3 ans au cœur de Valence n’est pas commune, on y déguste les plats les plus populaires du chef depuis une vingtaine d’années, des plats qui ont 5, 10 ou 15 ans et qui sont proposés dans un cadre contemporain et à prix accessibles. Ce que j’avais beaucoup aimé la première fois, c’était la façon dont le chef cernait l’intimité de certains produits, le riz, la gamba, des produits que l’on ne trouve que là-bas. Mercredi, comme il était programmé après le déjeuner chez El Poblet, nous sommes partis (journalistes belge, suédois, danois et moi) dans le parc de l’Albufera aux portes de Valence. Une balade sur le lac était prévue, ainsi que la traversée des rizières suivie d’une présentation des typicités des riz de Valence (AOC).
Voici le meneur de la barque sur le lac de l’Albufera. La température est douce, le vent souffle ce qu’il faut et l’on ne cesse de croiser hérons, colverts et cormorans.
Retour à l’embarcadère avant de prendre la route des rizières.
Des rizières à perte de vue où sont donc cultivées différentes variétés, comme les variétés senia et bomba.
Voici une partie des riz cultivés dans la région. A y regarder de plus près, je vous assure qu’ils sont tous différents.
Le soir, nous avons dîné à Valence au Mercatbar. Et le lendemain, nous sommes partis à Denia. A 18h dans le port de Denia, petite ville côtière à 100 km au sud de Valence, c’est l’heure où les pêcheurs reviennent et les caisses défilent devant les acheteurs. Pêchée jusqu’à 800 m de profondeur entre Denia et l’île d’Ibiza située en face (à 100 km), la gamba de Denia apparaît, de son rouge vif qui contraste magnifiquement avec le bleu des caisses.
A 22h, dans le restaurant du chef à Denia, nous étions conviés dans une petite cuisine voisine des grandes pour une partition de riz et de gambas jouée par Quique Dacosta. Concentré, heureux de nous faire goûter ses plats du feu à la bouche, le chef a décliné les gambas de Denia de toutes les façons ou presque. Les petites sont frites dans l’huile d’olive avec un peu de farine de pois chiche et se dégustent entières, entre sucre, croustillant et ravissement.
L’assiette vient d’être dressée sous nos yeux, la gamba y est de toutes les tailles, toutes les textures. Du jus pimentée, de la pâte d’huile d’olive et ail (ce qui ressemble à du beurre sur la photo), des pattes en beignet, de la chair presque crue, de la chair saisie et des journalistes qui n’en finissent pas d’aspirer et de sucer les têtes… En cuisine, avec le chef, un tout petit peu ivre de cava 2002, on n’était pas loin de la béatitude.
Et puis vint le riz. Rond, ferme, celui-ci est arrivé dans son élégante assiette, avec son jus corsé d’anguille, ses cerises sucrées et juteuses et ses petites billes de jus de cerise.
Le chef Quique Dacosta dans sa cuisine pour et avec nous, un grand moment assurément.
Là, personne ne peut se retenir. Les coups de cuillère valsent, le riz ferme et luisant répand ses arômes de jus marin (calamar et lotte) et le soccarat (de couleur marron) est d’une finesse absolue, comme un caramel de riz et de sucs qui s’est formé dans le fond de la paella et que l’on détache à la cuillère avec ferveur. La main ne cesse d’y revenir. Impossible de mettre un terme à cette dégustation, je sais qu’elle ne se représentera plus.
Pour ceux qui sont sur les réseaux sociaux, j’ai posté quelques vidéos de ces traversées de lac et de rizières lumineuses, de ces caisses de la mer et de ce moment de cuisine incarnant le partage, le plaisir et l’intensité.