Quand j’ai lu sur le site Les Grands Ducs qu’un bistrot du IXe avait ouvert en janvier entre les mains de deux jeunes chefs (Enrico Bertazzo 26 et Keenan Ballois 27 ans) qui s’étaient rencontrés à L’Ambroisie, j’avoue n’avoir pas trop traîné. Un chef trois étoiles discret qui fait des pousses dans un bistrot, ça fleure bon. Dans le cadre d’un article pour L’Hôtellerie Restauration, je suis donc allée les rencontrer et par la même occasion déjeuner. Pour ceux qui connaissaient Les Affranchis d’avant, il semble que le décor n’ait pas vraiment bougé, classique et confortable. Les deux cuisiniers se concentrent sur leurs visites à Rungis deux fois par semaine (ça, ça forge un homme ou une femme d’ailleurs, Adeline Grattard interviewée le matin me racontait en revenir comme chaque semaine, imaginez la longue, longue journée pour ces chefs patrons, après s’être levé à 3 ou 4h…) et les bases de la cuisine traditionnelle française comme ils m’expliquent : le produit, la cuisson, le jus, le goût. Moi, sur la place Gustave Toudouze ensoleillée, avec son kiosque de presse et sa fontaine Wallace, ça m’enchante !
L’œuf parfait façon carbonara, ça fait saliver à l’arrivée, mais aussi tout le long de la dégustation tant les glandes travaillent sur ces saveurs : un œuf au blanc tendre et au jaune extra crémeux, des petits croûtons très croustillants, des oignons nouveaux fondants, une crème de parmesan corsée et des morceaux de poitrine de porc confite (quand je demande à l’issue du repas, je comprends comment elle est si bonne : elle est non seulement marinée pendant 24 h dans de l’huile d’olive et des aromates, mais aussi confite pendant 48h à petite température, tout s’explique). Bref, une entrée à la cuillère et au pain pour achever de saucer.
Un canard et sa sauce aux kumquats et à la cardamome avec une tombée d’épinards, je suis heureuse. Il y avait beau avoir la joue de veau et sa purée, le saint-pierre rôti et ses légumes, j’avais envie jeudi midi de canard, d’agrumes et d’épices, ne me demandez pas pourquoi. La chair est tendre, juteuse, je ne me lasse pas de tremper un peu plus chaque tranche dans le jus. Le kumquat est aussi là en peau émincée et légèrement attendrie, la cardamome apparaît en filigrane, avec un parfum léger et suave. Et les épinards bien beurrés contrastent de par leur verdeur l’acidulé. Un délice.
Cheesecake pour finir, assez classique et bien fait. Sans cuisson (je pense que la photo en rend compte), la crème est légère, un brin mousseuse, dans des notes de citron et de fromage frais, posée sur un fond de biscuits type sablés émiettés. Les petits points sont un caramel assez acidulé (à l’orange peut-être), j’aurais pu en racler d’avantage. Sur le dessus, des éclats de pistache et des bâtonnets de pommes qui amènent texture et fraîcheur, mais ils pourraient aussi être absents.
Les prix ? 32 € pour ce menu à midi, 40 € le menu le soir. Certes, ça dépasse les prix des formules déjeuner entre 18 et 25 € rencontrées dans beaucoup de bistrots, mais il y a aussi plus de contenu ! Et moi, j’aime me repaître au restaurant, avoir la sensation de mâcher, de dévorer, quitte à ne rien manger le soir. Le restaurant, je l’aime dans sa fonction nourricière et dégustatrice. Ah, j’allais oublier, le restaurant est ouvert du mardi au dimanche. Oui, dimanche midi et dimanche soir, et ça je sais que ça devrait en intéresser plus d’un.
Les Affranchis, 5 rue Henry Monnier, 75009 Paris, 01 45 26 26 30, métro Saint-Georges
Décidément, entre Pantruche, Caillebotte et maintenant les Affranchis, le quartier commence à être bien achalandé en bistrots qui sortent du lot !
Il est certain qu’avec une telle offre, ces bistrots ne tarderont pas à être bien achalandés…
Oui, on peut dire qu’on a ce qu’il faut ! dixit une habitante du IXe