Tel un mirage sur la côte de Menton, le Mirazur semble survoler la Méditerranée. Dans ce grand paquebot blanc situé un peu à l’écart de Menton et à quelques mètres seulement de la frontière italienne, on domine et on perd nos yeux vers l’infini de la Méditerranée. Jusqu’à ce qu’un objet non identifié apparaisse, un yacht surréaliste à l’avant tout noir remontant comme une pointe de babouche. Si moi je suis quelques jours sur Menton en reportage, n’oublions pas qu’à quelques kilomètres de là le Festival de Cannes vient de commencer. Assise à ma table les yeux dans le bleu, je ne peux m’empêcher de repenser à Marseille, au Petit Nice, les yeux dans le bleu aussi, mais survolant quelques baigneurs à l’aise. Pas de maillot rentré dans les fesses ici, mais la cime des arbres à fruits du magnifique jardin du Mirazur, des orangers, des mandariniers et des citronniers que l’on trouve en fleurs et en fruits, c’est la particularité de certaines variétés de citronnier de Menton. Le nez au dessus des fleurs, je me rappelle aussiôt le parfum de Serge Lutens « Fleur de citronnier » que j’ai porté souvent et bien avant d’avoir la chance de sentir ces fleurs fraîches (qui me prouvent à quel point le parfumeur leur est fidèle). Justement, la cuisine du chef d’origine argentine Mauro Colagreco est en relation directe avec la nature. L’acidité et l’amertume comme celles des agrumes voisins et la verdeur des végétaux sublimes de la région (qui nous donneraient presque envie de nous faire muter sur la côte d’azur) forment assurément l’orgue du parfumeur qu’est Mauro Colagreco. Extraits…
Petites choses croustillantes, acidulées, fraîches et délicieuses pour commencer. Riz soufflé en chips et petits légumes acidulés, fromage de chèvre concombre, beignet de mozzarelle coulante…
Salade d’asperges crues et cuites al dente, pamplemousse, herbes, cébette et vinaigrette miel et vanille. Sublime ! Juste derrière, il ne reste qu’un morceau du pain du partage, une recette de pain (avec beaucoup de beurre me dit le chef) inspirée d’un pain argentin, servi chaud, croustillant autour et très moelleux dedans, que l’on trempe dans l’huile d’olive… mortel.
Morilles, crème de pommes de terre et parmesan, pommes de terre poêlées, févettes, herbes, émulsion végétale, un truc presque régressif qu’on racle jusqu’à la dernière goutte.
Poisson de Méditerranée dont je me souviens plus le nom (vous me pardonnez, je crois que j’ai bien dû faire une douzaine de repas « complexes » depuis), parfaitement saisi et servi avec ses légumes tendres et fermes de printemps, sa sauce verte de je ne sais plus quel légume (vous ne m’en voulez pas hein ?) et crème condiment à la mandarine.
Dessert sur le thème du citron et du lait, semi freddo, crème, granité. Très vif, très rafraîchissant.
Eponge-brioche, orange, amandes, glace orange safran, un délice.
J’ai été charmée par cette délicatesse, cette vivacité, cette palette de parfums acidulés presque tout au long du repas, un chef qui appartient au registre de l’acidité à n’en point douter, cette poésie dans l’assiette et cette vue magistrale sur la mer, à en être presque éblouie (j’ai porté mes lunettes de soleil par moments, ben oui, Cannes n’était pas loin 😉
Menus à 29 €, 33 €, 55 € et 85 €, ce qui me semble tout à fait raisonnable. Je me permets de préciser que le chef a une étoile au compteur Michelin et qu’il me semble que la deuxième ne serait pas surestimée (la plupart d’entre vous se fichent sûrement de cette remarque et je le concède).
Mirazur, 30 avenue Aristide Briand, 06500 Menton, 04 92 41 86 86
Ces assiettes sont superbes,et en toile de fond la grande bleue…
Si seulement j’habitais la région.
Merci de nous faire partager de si bonnes adresses.
Oui la grande bleue en toile de fond, c’est assez magique ! Merci pour votre message Hélène
Concernant votre dernière remarque, la bimacaronitude serait certes amplement méritée, mais vu les prix plus que raisonnables, avouons égoïstement que rien ne presse. Un festin « passardien » à 100 euros (c’est plutôt 100 que 85 il me semble), c’est assez rare pour justifier un détour par Menton. C’est peut-être cela qui explique la retenue du Michelin : une cuisine, surtout à ses débuts, faite d’hommages très appuyés à ses maîtres, mais manquant un peu de plats « signature », d’une manière plus personnelle. Cependant j’ai l’impression que Mauro Colagreco s’affirme de plus en plus dans ses assiettes, et que le Mirazur est en route vers les cîmes. Affaire à suivre.
Rectification, je viens de vérifier sur le site du restaurant, il y a bien un menu 1+1+1 à 85, nous nous étions immédiatement jetés sur le menu dégustation à 105, particulièrement généreux. J’en profite pour saluer vos talents de photographe, les images sont superbes et ce n’est pas évident du tout sous cette lumière.
Archie, merci pour votre commentaire sur les photos, effectivement, pas facile avec la lumière ! Et pour ne le découvrir que maintenant, il me semble que le chef a trouvé sa manière. Maintenant, côté prix, je suis d’accord oui et non, il y a des restaurants 2 étoiles qui pratiquent des prix raisonnables et pas passardiens (le Sa.Qua.Na).