Simple comme bonjour d’aller à Sens, un voyage en TER d’une petite heure ou quelques 126 km sur la route qui mène en Bourgogne. A moins que vous n’habitiez la région et en ce cas, vous n’avez pas d’excuse… Passer les rideaux extérieurs typiquement nippons, la porte vitrée glisse pour se refermer et nous couper de la réalité sénonaise. Le zen l’emporte, les bois sombres épousent le comptoir et les murs, l’éclairage tout en mesure joue sur les mains expertes des chefs et les mets présentés. Sur un écran de télévision discret, défilent des images de cerisiers en fleurs, d’eaux bleutées et de montagnes énigmatiques. Le Japon s’écoute aussi, la musique diffusée nous plonge un peu plus dans l’ambiance. Une douzaine de couverts au comptoir et une table seulement (pour deux), le parti pris est clair, les sénonais devront déguster au comptoir comme au Japon. Mais quel spectacle les attend ! Les deux chefs sont seuls maîtres à bord, derrière leur comptoir, ils ne cessent de susciter la curiosité et l’envie. Baguettes, montages, assemblages, même les cuissons se déroulent sous nos yeux, tandis que des vitres habilement disposées empêchent la diffusion de parfums trop tenaces. Devant chaque convive, un plateau noir est prêt à recevoir les mets, les baguettes resteront durant tout le repas, les deux jeunes femmes veillent à disposer fourchette et cuillère seulement lorsque la dégustation l’exige. Le soir, c’est en kimono traditionnel qu’elles opèrent. Reste plus qu’à se laisser faire, la succession des mets commence, les vins de Bourgogne sont à l’honneur, même si les sakés de Monsieur Kuroda (Workshop Issé, Paris) ont aussi fière allure.
Langue de veau au miso et buisson de radis râpé, la langue de veau, le miso, deux origines et deux ingrédients faits pour se comprendre.
Brochettes d’escargot, de shiitake et de foie gras, tous trois panés et exquis.
Corps de crevette crue et tête de crevette frite, carotte parfumée à l’orange, chairs de kaki et saumon cru, un plat tout en contraste.
L’une des serveuses a apporté une théière, on est invité à verser et boire le bouillon incroyablement parfumé (sorte de potion magique) dans une coupelle fine, jusqu’à ce qu’il ne reste que les ingrédients dans la théière, imaginez, truffe de Bourgogne, foie gras mariné au miso, carottes…
Noix de Saint-Jacques d’Erquy cuite au teppanyaki (plaque chauffante) et servie sur un risotto d’orge perlé au lait de soja, délicat à souhait, une feuille de chou de bruxelles (d’après moi) et quelques œufs de poisson.
Filet de lieu jaune presque translucide (cuisson à la vapeur), ses moules de Bouchot concassées et parfumées au gingembre et son incroyable condiment yuzu et piment (la petite pointe sur le côté).
Le dernier plat, filets de caneton de Challans juste saisi, légumes en tempura (aubergine et pâtisson), sauce hollandaise mousseuse et navets ultra fondants, on est aux anges.
Dessert sur le thème de l’agrume et du chocolat pour finir, mandarine confite et ganache au chocolat doux, accompagnée d’une petite carafe de soupe au chocolat et d’une crème glacée à la mandarine.
Le clou du spectacle : le chef marque au fer rouge une madeleine au thé vert du sceau de Miyabi.
A l’origine, Patrick Gauthier chef étoilé à Sens (La Madeleine) et
Dominique Corby, chef étoilé à Tokyo (6ème Sens), ont imaginé un lieu à
part, un comptoir empreint de culture japonaise, où se rencontreraient
la dextérité nippone et les produits du terroir français. Le voyage est réussi, les cultures se fondent l’une dans l’autre, avec grâce et agilité. On rêve déjà de revenir…
Menus : 24 €, 36 € et 75 €, les photos correspondent au menu à 75 €
Miyabi
1 rue d’Alsace-Lorraine
89100 SENS
T 03 86 95 00 70
Tags Technorati : miyabi, patrick gauthier, dominique corby, sens
Hmmm, ca semble prometteur en effet ! J’ai bien connu la Madeleine, le Crieur de vin et la cuisine de P. Gauthier pendant quelque temps et voilà un belle démarche qui fait l’effet d’un ovni à Sens en effet 🙂
Merci pour ce beau CR.
Au plaisir,
Laurent
ps) on se le planifie quand ce déjeuner ? 🙂
Lieu improbable pour cette cuisine exquise. Un excellent souvenir. Heureuse que tu y sois allée !
Bises
– Laurent, un OVNI effectivement, qui s’est déposé au pied de la Madeleine… L’effet est encore plus saisissant.
– Cookie Masqué, comment dire, c’est un peu, beaucoup grâce à vous 😉
Si j’avais le privilège de faire ton métier, alors oui je ferai ce voyage japonisant sans hésitation!
C’est un curieux raccourci d’aller à Sens pour des nourritures japonisantes. On y verrait plutôt de bonnes tablées campagnardes avec gibiers et champignons fleurant bon les petits matins mouillés des bois… Mais cette table a l’air séduisante, c’est indéniable.
Thierry, je te rassure, ces bonnes tablées existent aussi.
Comme l’explique l’un des deux chefs associés Dominique Corby (à lire dans un prochain article de L’Hôtellerie Restauration), Paris semble déjà bien occupé par les tablées japonaises. Cet emplacement à Sens où officie déjà Patrick Gauthier (chez qui tu peux retrouver parfums de sous-bois et gibiers en saison) pouvait être chapeauté par ce dernier. Quant aux sénonais, ceux que j’ai pu apercevoir n’avaient pas l’air d’être mécontents d’avoir une table métissée du côté de chez eux.