A l’occasion d’un article sur l’ouverture du restaurant et de l’interview de son chef Juan Arbelaez, j’ai déjeuné il y a quelques jours chez Nubé. En plein triangle d’or, le chef a fait le pari de booster la restauration, le bar et le room service du discret Hôtel Marignan Champs-Elysées. Déjà à la tête du restaurant Plantxa à Boulogne et associé dans le très réussi A Mere, Juan Arbelaez arrive avec sa fougue, son entrain, prêt à en découdre avec le quartier. Un partenariat avec une marque de baskets, des tenues en jeans en salle, de la décontraction, du plaisir, une carte de vins ouverte sur l’ailleurs (avec une présentation très bien pensée, on a envie de la lire en entier et de se perdre dans le classement par cépage), on sent que la jeune équipe (dont certains issus du très sérieux George V) veut faire bouger les lignes dans le quartier (le bar devrait faire parler de lui à la rentrée), et moi, par les temps qui courent dans l’hôtellerie de luxe, je trouve ça ambitieux. Voici donc un déjeuner dégusté dans la salle arrosée de lumière traversant le puits et décorée d’éléments évoquant une végétation luxuriante et tropicale, de meubles contemporains, de bois, de teintes kaki. Il y a aussi la petite salle à l’arrière plus dans les miroirs, les reflets, les brillances et qui était ce midi-là très plébiscitée, alors que moi je ne pensais qu’à profiter de la lumière naturelle.
En mise en bouche, voici une boulette de canard et une crème d’asperge. Je n’ai pas compris la température, ni chaude, ni froide (ce que j’ai fait remarquer), mais j’ai beaucoup aimé la texture des chairs de canard effilochées, saisies par le gril dans cette forme de boulette. J’aurais bien pu en manger une ou deux autres comme elle.
Le chef aime quand les couleurs éclaboussent. Pourquoi pas, moi ce que j’aime surtout c’est quand chaque point et chaque trait ont du goût et que ça se répond et c’est le cas ici. Radis, huile d’olive, agrumes, poisson cru que l’on roule dans toutes les couleurs et qui envoient de la fraîcheur et de la mâche.
Dans la vie, dès que je vois un couteau, mes yeux sourient. J’adore ça et ici, il est chargé à bloc (je pense qu’il y a d’autres chairs de couteaux qui sont venus s’ajouter dans le coquillage) avec des herbes, du lard de Colonnata et puis il y a des pâtes crête de coq enrobées d’un pesto d’herbes et de mini croûtons et puis une crème émulsionnée aussi (moi je peux me passer de la mousse comme vous le savez, je pourrais même faire un plaidoyer anti mousse). Je me régale.
Le plat arrive, très généreux. Ils s’agit de centrolophe (un poisson qui vit dans les profondeurs tendance froides) dont la chair est proche de celle de la raie dans la façon de se détacher et en même temps qui me fait penser à la chair grasse (quand le gras se déploie en bouche à chaque coup de mâche) de la légine (goûtée notamment chez Kiyomizu). Une vraie découverte. Les gros pavés de poisson sont ici impeccablement cuits (bien saisis et laissant donc bien la place au gras) et accompagnés du thème de la carotte sous différentes formes et textures (chips, purée, fanes) avec du curcuma et du gingembre discret.
Je finis en légèreté (tant mieux, car je commence à être calée) avec une assiette sucrée de chef cuisinier. Pas de pâtisserie (de pâte ou de crème), mais une composition autour de l’ananas, de la mangue, du basilic, de la vanille et du sucre de la meringue. Chaque cuillère est un petit jeu de textures et de saveurs vives, exotiques et douces.
Les prix ? Formule à 32 € au déjeuner (entrée et plat du jour), menu à 60 et 80 €, à la carte, comptez de 15 à 19 € les entrées, de 25 à 30 € les plats et 15 € les desserts. Ce que je trouve raisonnable pour l’emplacement, le cadre et la cuisine.
Nubé, Hôtel Marignan Champs-Elysées, 12 rue de Marignan, 75008 Paris, 01 40 76 34 56, métro Franklin D. Roosevelt