C’est la grand-messe des chefs, des journalistes, des étudiants, mais aussi du grand public adepte de la nouvelle cuisine et des chefs médiatiques et qu’il m’a semblé voir très présent cette année et c’est tant mieux. Le festival Omnivore vient de se tenir à la Mutualité à Paris et les deux jours passés ont été une fois de plus pour moi une bouffée de fumée, de saveurs, de rencontres et de frissons. Depuis quelques années, le festival s’ouvre à d’autres scènes que le Salé et le Sucré, on y voit donc des interventions d’artisans, de restaurateurs, de journalistes, de vignerons pour comprendre les enjeux de la cuisine d’aujourd’hui et de demain.
Photo de Diph Photography
L’une des démonstrations qui m’a à la fois touchée, époustouflée et terriblement fait saliver, c’est celle d’Anne-Sophie Pic. Le chef de Valence y a expliqué l’une de ses nouvelles recettes qui consiste à faire cuire à l’étouffée une noix de Saint-Jacques, du céleri, de la truffe et un peu de rhum dans une noix de coco toute blanche (la peau a été retirée). Un ovni blanc qui arrive à table explique-t-elle, découpé sous les yeux des clients, dont la magie doit opérer aussitôt. En l’écoutant nous exposer sa recette et toutes les recherches qui l’y avaient conduite, j’avais l’impression de capter un peu plus le processus de création et puis je mourrais d’envie de goûter.
Il y a eu aussi les chefs italiens Giovanni Passerini (de la Pastificio, souvenez-vous) qui a présenté une drôle d’omelette aux oursins et Michele Farnesi (Dilia) avec son artichaut farci aux moules, moelle de boeuf, ricotta de brebis et menthe (ah !!! J’avais faim !). Les chefs montréalais d’adresses cool et appétissantes (Marc-Alexandre Mercier de l’Hôtel Herman) dont on se dit en les écoutant, waow ça doit être cool de manger là-bas, on s’y voit avec un verre de vin, deux, trois assiettes joliment composées. J’ai vu aussi beaucoup de poches à douille pour déposer des petits ronds qui font des pointes vers le haut (c’est dingue comme ces ronds de ponctuation font le tour du monde), de fumée dans tous les sens, le retour au feu, à la braise, au gril est de toutes les cuisines. Bref, c’est tout cela que j’aime à Omnivore, ces sentiments différents à chaque démonstration, celle d’un chef trois étoiles grâce à qui l’on se voit en pleine dégustation d’un plat grandiose et celle d’un chef montréalais grâce à qui l’on imagine entendre une salle effervescente, un verre de vin à la main et le nez dans deux, trois assiettes.
Et puis j’ai terminé avec l’intervention de la journaliste Isabelle Saporta, de l’avocat Eric Morain et du vigneron Alexandre Bain sur la scène artisan. Et j’ai eu l’impression que si belle soit la cuisine, sa créativité et ses intentions, une donnée qui sonnait peut-être moins à mes oreilles quand j’ai découvert le festival il y a 10 ans, commençait à prendre plus de place dans mon esprit. C’est cette terre abusée quand certains tentent de la préserver, cette intolérance des plus grands vis à vis de ceux qui veulent faire différent (sans herbicides dans leurs vignes par exemple) et à qui l’on retire leur appellation. J’ai un peu plus compris que dans la cuisine, il y a beaucoup plus que des recettes et que tout en dégustant, il faut garder les yeux ouverts, rester alerte, vigilant. Ce sont les plus petits qui ont besoin de nous pour (sur)vivre. Le chef Bruno Verjus (ancien animateur de la scène artisan) me disait à propos des artisans avec qui ils travaillent chez Table lors d’un entretien il y a peu et je ne cesse d’y repenser : « l’argent que l’on a gagné, il faut être conscient de à qui on le donne ». Restaurant, vigneron, boulanger, éleveur, producteur, j’ai envie de donner mon argent à ceux que j’estime. Et je trouve que quand on le gagne durement, cela prend encore plus de sens.
Tout ceci est rendu possible grâce au travail de Luc Dubanchet, Sébastien Demorand, Marie-Laure Fréchet, Stéphane Méjanès, Boris Coridian et de leurs intervenants. Donc je vous encourage fortement à prendre vos pass l’année prochaine, rendez-vous en mars 2017 ! Omnivore c’est à la Mutualité, 24 rue Saint-Victor, 75005 Paris
À qui on le donne ? Et à qui on le doit ?