Dans le cadre d'un reportage que je faisais sur un concours pour pâtissiers à l'Ecole Valrhona, j'ai eu la chance d'être invitée par l'organisation à un dîner chez Anne-Sophie Pic (la cerise en diamant sur le gâteau ai-je envie de dire). Arrivée sur les lieux, je ne vous cache pas une petite émotion à la vue de la façade du bâtiment flanquée de son nom "PIC" (qui est quand même dans sa 122ème année de cuisine et qui représente la seule femme à avoir trois étoiles au guide rouge en France), cela fait partie de ces lieux mythiques, comme lorsque je me suis retrouvée devant la façade Troisgros à Roanne, qui vous procurent une dose d'émerveillement, pas si loin de celle ressentie devant certains monuments. Bref, une fois que je suis rentrée, ce n'était pas prêt de s'arrêter, cette maison est empreinte d'une histoire dense et en même temps, son renouvellement et sa refonte dans le contemporain la rendent incroyablement actuelle et dotée d'une part de magie. Je vous assure, vous traversez la réception, les salles, les larges couloirs, tout vous apparaît sublime, après, je n'en dis pas tellement plus, car cela fait partie de ces lieux dont on a envie qu'ils nous réservent des surprises. Mais quand même, le menu qui nous est servi ce soir-là se déroule ainsi…
La carotte et la fleur d'oranger. Lamelles de carottes de toutes les couleurs, yaourt brassé à la fleur d'oranger, gelée à la carotte, une entrée d'une fraîcheur et d'une délictasse exquises.
La betterave plurielle. Annoncée dans le menu "au café Blue Mountain" (un café de Jamaïque parmi les plus grand crus), je ne sais pas vous, mais moi l'association betterave-café me fait un peu peur, je la pense casse-gueule. Bon, l'entrée est là, j'attaque, c'est ahurissant comme c'est réussi ! Betteraves fermes, mousse de betterave acidulée et en même temps avec une pointe de café qui booste le côté terre de la betterave, sans compter les petites baies très acidulées (issues de l'arbuste épine-vinette) qui vous envoient des shoots acides. L'un des plats qui m'a le plus enthousiasmée !
Difficile d'être aussi bluffée, pourtant la langoustine bretonne parfaitement cuite et cuisinée à la rhubarbe et son jus de céleri vert au poivre de Tasmanie assure, mais ne me terrasse pas autant.
Saint-Pierre que je n'ai jamais vu aussi bien cuit (vapeur douce), asperges de pays minute et jus de cuisson à l'huile de menthe poivrée. La menthe poivrée avec un poisson et des asperges vertes, c'est osé, c'est très bon, je suis subjuguée par la délicatesse de ce plat.
Pigeon fermier de la Drôme, poché au bouillon légèrement fumé, petits poits et févettes embeurrés à l'anis vert. Tendresse infinie des chairs, pointe fumée, fermeté et verdeur des pois, un régal.
Le citron de Menton et la baie de genièvre. Sorte de soucoupe volante caramel, biscuit sablé, chocolat blanc, citron… Sincèrement, j'ai trouvé ce dessert époustouflant à première vue (presque trop quand on y pense), mais finalement alambiqué et tranchant avec la délicatesse et la fluidité de tout le repas qui l'avait précédé.
Dans ce lieu et cette histoire de famille, la cuisine d'Anne-Sophie Pic renvoie à quelque chose de l'émerveillement. C'est beau, délicat et fluide. Un professionnel de la pâtisserie à ma table a dit qu'il trouvait que cette cuisine était incroyablement féminine. Vous voulez que je vous dise ? J'ai trouvé sa remarque hors de propos, je vous mets ma main à couper que l'on fait goûter ce menu et ceux de confrères sans savoir qui est à qui et que personne n'est capable de dire quelle cuisine est celle d'une femme ou celle d'un homme. La sensibilité, la délicatesse, la subtilité n'appartiennent en rien à un genre ou l'autre. J'ai trouvé la cuisine de Jean-Georges Klein fondue dans la délicatesse, la jubilation et destinée à vous faire plaisir et vous émerveiller, moi, c'est ce que je cherche et je n'y vois pas de genre là-dedans.
Une amie a été émerveillée aussi, elle le raconte par le prisme d'un plat seulement : brie de Meaux et vanille, hmm, mon sang ne fait qu'un tour, alors si vous aussi, c'est ici.
Mon rêve ? Retourner chez PIC et y passer une nuit… Menu à 90 € le midi et menus à 210 € (celui goûté ici) et 330 €, chambres à partir de 290 €.
PIC, 285 avenue Victor Hugo, 26000 Valence, 04 75 44 15 32
Pour avoir en effet eu le même menu, je partage ton plaisir ! Moi je me souviens que le pigeon, je l’ai dévoré avant de me souvenir qu’il fallait prendre une photo… le meilleur des signes non ?
Il faut absolument que j’y retourne, je viens de lire le billet d’Estérelle mais je suis contente de voir et apprécier aussi le menu en entier ! et vive Valrhona quand même ! en dehors de la réflexion incongrue !
Bravo pour cette belle chronique, Caroline, ça donne envie d’y revenir! J’y étais le 27 janvier (http://www.gillespudlowski.com/16368/restaurants/mon-repas-chez-pic-valence). Mais je retrouve là, grâce à toi, mon émotion intacte…
– Ester, absolument ! Ca m’arrive aussi !
– Mercotte, ça n’enlève rien à leurs qualités de pâtissier 😉
– Gilles, merci ! Et oui hein, ça donne envie d’y revenir…
pfff… cest tellement « cliché » de parler de cuisine féminine… pas besoin d’être un pro de la patisserie pour sortir de telles âneries…
Bon, je suis certain que la cuisine de Pic est formidable, en revanche j’avais été très déçu par le « petit » Pic. Mais quand j’aurai des sous, je pourrai juger sur pièce le gastro !
Ca fait envie…en même temps, il me semble que côté tarifs elle abuse/retarde un peu, mémère.
Petit menu à 90 euros (midi en semaine, je suppose?) avec des asperges blanches (illustrées par une superbe photo d’asperges…vertes!), agneau puis compote pomme cassis…point final.
Quand on voit ce que propose Pierre Gagnaire, pour quelques euros de plus, et avec un loyer (Paris 8ème) probablement astronomique…j’ai toujours flambé mes économies chez lui!
Je ne doute pas que la cuisine Pic soit exquise, mais je trouve qu’elle est à des niveaux de prix qu’on n’ose même plus à Paris.
Didier, en passant, « mémère », je ne suis pas fan.
Je ne peux juger du menu déjeuner sur papier (web). 90 €, c’est une somme, certes. Loyer, personnel, produits, difficile de comparer les coûts chez l’un ou l’autre, cela reste des restaurants 3 étoiles et des prix plus élevés qu’ailleurs de toute façon.