Sojiki Nakahigashi, Kyoto

14 Juin 2010 • Japon8 commentaires

Je vous ai parlé de différentes expériences lors de mon voyage au Japon, voici la plus déconcertante. Nous voici chez Hisao Nakahigashi, « le Michel Bras de Kyoto » nous avait-on dit, un homme qui arpente les montagnes de Kyoto pour cueillir les éléments les plus sauvages et parfumés qui soient, et en cette saison, l’amertume, la verdeur et la sève des éléments seraient certainement au rendez-vous, nous avait-on prévenu. La porte coulisse, pierre, bois et Monsieur Nakahigashi, posté derrière le comptoir, blouse blanche de rigueur, secondes mains présentes, mais tout en discrétion et en silence, pas un mot plus haut que l’autre, des regards, des gestes et les mouvements s’exécutent. En salle, deux femmes en kimono pour vous servir, l’une d’elles pratique un peu l’anglais, suffisamment pour nous donner quelques clés. Une dizaine de clients derrière le comptoir, tous arrivés à un intervalle différent. Menu omakase, sensations…

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Wow, tableau brut, nature ultra présente, chairs de poisson sèches, peau, branchages déconcertants.

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Arête grillée, tête, corps, queue. Le poisson déchiffré, la tête a un goût particulièrement fort.

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Bouillon, poisson, éléments végétaux non-identifiés, découverte totale.

Chair de poisson fermentée depuis plus d’un an. De saveurs inexplorées et intrigantes, je passe soudain à un goût repoussant, tellement puissant et obsédant que je voudrais que cela s’achève. C’est terrible, c’est la première fois que cela m’arrive (rien à voir avec des plats mal faits, des produits mal menés ou un manque de fraîcheur). Une sensation brutale, de malaise, je ne comprends pas.

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Morceaux de poisson cachés par des tiges feuillues qui semblent inoffensives, et puis soudain, ma langue à demi anesthésiée par un goût extra-vert, de l’astringence, qu’est-ce qui m’arrive ? La femme en kimono dans sa traduction approximative, nous a parlé de « danger »… Je passe par 2 min de paranoïa aigüe, et si l’organisme occidental n’était pas paré à ce genre de substances ? Comment puis-je prendre la fuite? Qu’invoquer comme excuse ? Je me sens mal.

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Je vous rassure, les effets physique et mental se sont estompés.

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Végétaux du cru qui me rassurent un instant, parfums floraux, comme ces bourgeons violets qui ressemblent à des petits artichauts. Amertume, acidité, saveurs étranges, la sensation de malaise revient.

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Tempura grisants à la vue, fleur, bulles de friture, et puis une giclée d’huile qui m’arrive en bouche en croquant l’un d’eux, je crois que mon teint passe par le kaki et que cela se voit.

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« Bébés bonite »

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Déclinaison de pickles, dont Kyoto s’est fait une spécialité, riz surmonté de petits bourgeons-feuilles dont j’ai du mal à supporter la vue, ça me renvoie au malaise survenu quelques minutes avant.

Je n’ai pas mis en ligne toutes les photos, disons que j’ai gardé les instants les plus « déstabilisants ». Les autres clients présents ont presque tous réservé pour leur prochain dîner, je les voyais sortir l’agenda de septembre.

Expérience déconcertante, c’est un euphémisme, expérience radicale.

Sojiki Nakahigashi, 32-3 ishibashi-cho, Jyodoji, Sakyo-ku Kyoto-shi

8 réponses à Sojiki Nakahigashi, Kyoto

  1. Impressionnant. Merci…

  2. Yawye dit :

    Bonjour.
    Le Chef H. Nakahigashi était de passage à Paris il y a quelques semaines chez Senderens en « guest star »
    Pas aussi radical, mais un dîner surprenant quand même.
    http://www.yawye.fr/oui-chef/restaurant-senderens/

  3. – Laurent, tout le « plaisir » était pour moi…
    – Yawye, il s’agit de l’oncle de Hisato, Hisao Nakahigashi et c’était donc le neveu qui était présent chez Senderens. Effectivement, j’ai cru comprendre que l’expérience était très intéressante !

  4. Patrick CdM dit :

    Je ne sais pas si j’aurais apprécié, mais j’aurais adoré la transposition mentale qu’il faut pour aller au bout d’un repas aussi déconcertant… Bravo et merci de nous faire partager cette expérience, voire de me rendre curieux d’essayer…
    (Au fait à Kyoto, as tu visité le vrai Kiyomizu?)

  5. Patrick, non pas celui-ci (quand j’ai vu son nom, j’ai pensé à toi ;-), mais beaucoup d’autres…

  6. Yawye dit :

    Merci pour la précision… Quelle famille !

  7. Dibi dit :

    Ah oui, quand même… J’ai l’impression que ça remet en cause tout l’aspect « agréable » qu’on peut attendre d’un bon repas. Question peut-être hors de propos pour une telle « expérience », mais l’avez-vous appréciée, au final ?
    Encore merci pour ces posts.

  8. Stephan dit :

    Bonjour Caroline
    Desole que vous n’ayez pas plus apprecie votre moment chez Mr Nakahigashi.
    Peut etre aurai-je du vous conseiller une table plus « classique » pour vos debut a Kyoto…
    Stephan

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