Sorcière, sorcière, j’ai l’impression que tu es là. Après toutes ces années, tu m’avais manqué. Enfant, j’avais à peine monté les trois marches du bibliobus orange garé devant l’école que je demandais à l’animatrice si elle avait de nouveaux livres sur les sorcières. J’ai tout dévoré, ai évidemment fini par épuiser les stocks et cela m’a frustré (j’ai alors découvert Charlie et la Chocolaterie). Il y a quelques jours, je lis les premières lignes Sorcières, la puissance invaincue des femmes de la journaliste Mona Chollet. Et tu es à nouveau là.
« Bien sûr, il y a eu celle du Blanche-Neige de Walt Disney (…) Mais la sorcière qui a le plus marqué mon enfance, ce n’est pas elle : c’est Floppy Le Redoux. Floppy apparaît dans Le Château des enfants volés, un roman jeunesse de l’autrice suédoise Maria Gripe (1923-2007) ». Mais oui, Le Château des enfants volés ! Qu’est-ce que je t’ai aimé toi aussi, comme avais-je pu t’oublier ? Je viens de finir l’essai de Mona Chollet et je me réjouis de l’écouter dans le dernière podcast de La Poudre.
Sorcière, sorcière, es-tu là ?
Aussi, quand je visite le Musée Jean-Jacques Henner (Paris XVIIe). « Un peintre fascinée par les rousses », ça me met déjà en appétit. Pour J.J. Henner (1829-1905) qui aura surtout travaillé dans son atelier du 11 place Pigalle, sa nièce Marie Henner prend soin d’acheter un hôtel particulier pour y exposer l’œuvre de son oncle dès 1924. Auparavant, cette maison atelier appartient à l’artiste décorateur Guillaume Dubufe qui en fait une belle démonstration de ses talents.
Elle est typique des hôtels particuliers de la « Plaine Monceau », incroyablement majestueuse sur l’avenue de Villiers. L’histoire de cette plaine occupée par des champs et des arbres fruitiers jusqu’à ce que Paris soit agrandie et assainie est aussi racontée. Style orientalisant, jardin d’hiver, matériaux précieux, plafonds à caissons décorés des initiales du propriétaire (à l’époque dans le quartier, il s’agit d’en mettre plein la vue), tout le luxe de l’époque est là. Et depuis les travaux de 2008, les murs ont retrouvé leur couleur d’origine (tranchées, magnifiques !).
On traverse des pièces, on monte de grands escaliers en bois et d’autres petits cachés dans les coins. Les tableaux de l’artiste apparaissent. Des portraits d’enfants (son neveu : le portrait caché du Prince Harry ! La rousseur, déjà), de ses proches, de femmes beaucoup. Et puis, plus l’on monte, plus elle apparaît. Dans l’atelier du dernier étage à la hauteur de plafond vertigineuse, elle nous attend. Une femme aux cheveux roux, présente dans différents tableaux et différentes positions. Naïade hypnotique et sans yeux, teint diaphane, préraphaélite, tantôt floue, tantôt nette, chevelure flamboyante. Je vois parfois Florence Welch et puis dans d’autres portraits, je vois des regards menaçants, déterminés, des représentations qui rendent le peintre moins académique et plus avant-gardiste qu’il n’y paraît…
Vous ai-je dit que j’aimais plus que tout les musée-atelier ? Vous vous souvenez de mon histoire avec le Musée Gustave Moreau ? Et bien les deux maisons sont aujourd’hui culturellement et administrativement liées, c’est amusant.
Musée Jean-Jacques Henner, 43 avenue de Villiers, 75017 Paris, 01 47 63 42 73, métro Malesherbes