Il y a quelques jours, une journaliste japonaise m’a convié à l’ouverture du restaurant de sushi du chef Toru Okuda (3 étoiles au Japon et 1 étoile pour son premier restaurant à Paris). J’ai hésité quelques instants (je réponds très rarement aux invitations) et puis l’appel du sushi a été plus fort. J’avais eu des échos de l’ouverture de son restaurant Okuda il y a un an, un restaurant où le chef donne son interprétation de la cuisine kaïseki et j’avoue qu’être invitée à découvrir son interprétation des sushis me faisait très envie. En plein VIIIe arrondissement, mettre un pied dans le restaurant Sushi Okuda, c’est comme pénétrer une bulle de Japon. Les petits rideaux (que je ne sais jamais par où ouvrir, j’avoue) que l’on écarte, les marches en granit frais, les cloisons de teintes claires et enfin ce comptoir d’à peine 7 ou 8 places… Appuyé sur le comptoir en bois de cèdre du Japon, centenaire nous dit-on, on se dit que le moment va être solennel, mais ce n’est pas ça, c’est autre chose. C’est un moment à part, entre dégustation, concentration et relation avec le chef dont les gestes précis et fascinants ne semblent s’adresser qu’à vous et être dans la nécessité absolue de vous faire plaisir. Les prix des menus sont en conséquence, 95 € le midi et 155 € le soir.
Des légumes grillés prix en gelée, une crème de maïs (si ma mémoire est bonne), un équilibre, de la fraîcheur, des textures enveloppantes et croquantes, c’est délicieux.
Du bœuf du Japon (wagyu) très, très légèrement saisi et pris entre une sauce salée un peu gélifiée, des radis très finement émincés, entre moelleux, gras, crudité et fondant, c’est bon, mais j’ai envie de voir le maître sushi à l’œuvre (pour l’instant, ce sont des entrées qui correspondent à la cuisine du restaurant voisin Okuda).
Un poisson blanc grillé aux charbon japonais (qu’on nous montre et qui s’avère d’une dureté incroyable), un charbon qui saisit les chairs avec beaucoup de délicatesse et amène une note fumée qui ne l’emporte pas.
Le premier sushi, du bar qui a été pêché et gardé vivant jusqu’en cuisine où la façon japonaise de tuer le poisson est différente de la façon française, pour une sensation de poisson presque vivant même mort. Ici, la chair est extrêmement ferme, assaisonnée par le maître sushi lui même (un mélange à base de sauce soja très délicat), sur un riz tiède (ça fait toute la différence, je n’ai plus jamais envie de goûter un sushi à base de riz froid) au grain sublime et savamment assaisonné.
A mesure de la dégustation, je vois qu’il y a deux riz qui servent à la préparation, on m’explique qu’ils sont tous deux assaisonnés différemment (le dosage de sel et la variété du vinaigre) et que selon la variété du poisson (bleu, blanc, rouge, orange), le chef choisit l’un ou l’autre.
De la seiche, juteuse et un peu ferme et toujours ce gingembre « nouveau » me précise-t-on pour se rafraîchir la bouche.
Hmm, très, très bon le thon…
Le maquereau a été légèrement saisi, il est donc chaud comme le riz, c’est trop bon. C’est encore le maître qui assaisonne. Jamais le client n’aura à ajouter de sauce soja ou de wasabi, c’est lui qui s’occupe de tout et sait à quel point le mélange opère et la délicatesse prime.
Toru Okuda explique qu’il souhaiterait voir arriver la plupart des poissons vivants dans son restaurant, mais ce n’est pas possible pour beaucoup d’entre eux. Peu de pêcheurs explorent cette voie et vous imaginez que le coût de transport peut être faramineux, c’est toute une chaîne à mettre en place.
La truite.
Sardine exquise.
Oh la la les coques sur leur riz dans une feuille d’algue, c’est assez gros à mettre en bouche (le sushi se déguste toujours en une seule bouchée, on ne plante pas les dents dedans, il est pensé ainsi et on s’exécute), mais qu’est-ce que c’est bon.
Le congre mariné qui rappelle l’anguille, mais l’on nous dit que c’est plus fin et qu’il y a moins d’arêtes désagréables. Fondant, tendresse, fermeté du riz, contrastes délicieux.
Bouillon à base de dashi, boulette de chairs de crevettes, d’œuf et d’une pointe d’huile, champignon, c’est divin pour finir.
Dessert sur le thème de la pêche (pochée, en granité, en gelée) et eau de riz légèrement épaissie. Rafraîchissant.
Il s’agit ici d’un menu servi au dîner. Un moment hors du temps et du continent, des gestes que seul le maître peut accomplir, c’est vraiment ce qui me marque dans cette célébration du sushi. Cette façon qu’a le maître d’exercer la découpe du poisson, de le ranger, de l’exposer, de manier le riz, de lui donner une forme dans la paume de sa main, de déposer le poisson dessus, d’arranger l’assaisonnement, de s’approprier chaque sushi comme un objet précieux. Et nous clients, subjugués, presque hypnotisés par le geste. Enfin, l’hypnose a ses limites, car dès que l’objet de convoitise est sur le plat, il n’y a plus que lui qui compte. Tout un art de la dégustation.
Ouvert du mardi soir au dimanche soir, menu à 95 € le midi et 155 € le soir.
Sushi Okuda, 18 rue Boccador, 75008 Paris, 01 47 20 17 18, métro Alma-Marceau
Merci pour cette découverte, je rejoins votre avis et recommande cette adresse haut de gamme dans le sushi.
Oui hein, c’est vraiment bien !