Table, le restaurant de Bruno Verjus, qui dans la vie et sur son blog est pour moi journaliste l’un des plus grands découvreurs de talents, de produits et d’artisans, a ouvert ses portes il y a quelques mois déjà. Non loin du marché d’Aligre, dans une rue calme du XIIe, Table assume son nom. La table qui se prolonge jusqu’au fond de la salle toute en longueur est omniprésente. Tel un comptoir, elle trace à la fois la séparation entre la salle et la cuisine et fait office de table aux formes organiques sublimes (où je serai installée avec mon amie) qui tranchent avec les murs plus secs de pierres. D’autres tables à partager à 6 ou 8 et à hauteur de table « normale » sont incrustées dans les courbes du comptoir et donnent l’impression d’un puzzle parfait. Ce décor est pensé dans un agencement qui ne ressemble à aucun autre et est signé des architectes Lucie Niney et Thibault Marca du cabinet NeM Architectes. La lumière est intense en cuisine, de façon à voir tous les gestes et les définitions des assiettes. Au four et au moulin, Bruno Verjus, dans son rôle d’hôte, de cuisinier et d’élaborateur d’idées et entouré de son équipe et du chef exécutif Masa Ikuta, semble heureux comme un pape. La formule déjeuner est une parfaite aubaine, 29 € pour une entrée, un plat, un dessert, un verre de vin et un café. C’est parti !
Oeuf mollet posé sur crème de parmesan, poireau tressé et cendres de poireau. J’avoue que quand j’ai lu cendres de poireau, j’avais un peu peur du poireau brûlé vu dans chez quelques cuisiniers et qui ne m’a personnellement jamais enchanté. Non, l’œuf ici parfaitement mollet se déguste avec la suavité de la crème, son sel, sa gourmandise, les poireaux encore un peu fermes et des cendres qui sont comme des paillettes qui craquent aussitôt et amènent une saveur torréfiée délicieuse.
Brandade de cabillaud délicieuse, avec de la mâche donnée par quelques morceaux plus épais de poisson ou de pommes de terre. Le dessus un peu tout petit peu gratiné (chapelure, parmesan ?), l’huile d’olive est intense et la salade de cresson sublimement assaisonnée (une pointe d’agrume et de sucre) me fait redécouvrir le cresson en salade avec amour. Derrière, il y a des lamelles très fines de radis noir ou de navet, c’est délicieux.
On nous avait annoncé un dessert au chocolat dans le menu, c’est visiblement un autre qui nous est servi. Je ne moufte pas quand je vois l’assiette, « agrumes, glace à la brioche, sablés », miam et de saison. Je confirme à la dégustation. Suprêmes savoureux, sirop parfumé, morceaux de sablé bien sablé et cette glace au bon goût de beurre, de crème et de brioche (« j’ai infusé de la brioche dans le lait qui a servi à faire l’anglaise » me dit plus Bruno Verjus, oui, ça prend tout son sens dit comme ça).
Je signale aussi le très, très bon café de L’Arbre à Café pour finir.
A la carte, les prix sont tout de suite plus élevés. Il y a les sublimes produits d’artisan comme le jambon sec de vache blonde d’Aquitaine de Polmard, la tomme des bois noirs de Mons… Il y a le foie gras des Landes et les fèves crues de Sao Tomé et Principe, la sole d’hiver de roche de l’Ile d’Yeu, le chapon rôti sur l’un des « flamberges », bref, rien que de très beaux produits pour une addition qu’il faut compter aux alentours de 60 € (entrée, plat et dessert). Menu dégustation à 110 € et 149 € avec les vins, pour d’autres occasions donc. Je persiste, en semaine et pour le plaisir, le menu déjeuner à 29 € est une vraie aubaine ! Fermé le week-end.
Table, 3 rue de Prague, 75012 Paris, 01 43 43 12 26, métro Ledru Rollin
Le temps a passé et Table a changé. Il est très loin le temps de ce menu bistronomique à 29€ ! Maintenant Bruno Verjus joue dans la cour des chefs étoilés et il le mérite. Son sourcing de petits producteurs a toujours été sa force, mais à présent, sa science de la cuisine prend de l’ampleur et les saveurs dégagées magnifient comme jamais ces beaux produits. Un bonheur, qui a un coût, mais « pas cher » pour qui aime manger ! Si c’est bon, c’est pas cher !