L’hôtel Shangri-La dans le XVIe, je vous en ai parlé à plusieurs reprises ici, notamment pour ses pâtisseries. Quand j’ai rédigé le Guide du Paris Sucré, son tea time était sans conteste pour moi l’un des meilleurs de Paris (et l’un des moins chers aussi, enfin pour un palace… tout est relatif). Depuis cet été, le chef pâtissier Michaël Bartocetti a pris les rênes du laboratoire et de l’étendue de la créativité qu’exige un palace parisien (du banquet de mariage au room service, en passant par les restaurants, l’heure du goûter, bref, le vertige). Le chef cuisinier, Christophe Moret, attaché depuis des années à un certain règne végétal dans sa cuisine a souhaité cette même prégnance dans la pâtisserie. Fraîchement arrivé, Michaël Bartocetti a donc appliqué la méthode vegan à une partie de la pâtisserie et non des moindres, puisqu’il a réfléchi, pensé, construit un tea time vegan. Vegan ? Sans aucun produit d’origine animale, c’est à dire faire sans œuf et sans lait, crème et beurre d’origine animale. Un défi herculéen ! Imaginez faire prendre, monter ou dorer mousse, meringue, biscuit, sablé, ganache, sans albumine des œufs et sans maintien des matières grasses premières, tout cela en suscitant le même désir de déguster. Et pourtant, admirez…
Cela commence bien sûr par les sandwichs salés, différents pains, différentes garnitures (tomates, concombre, épices), j’ai un faible pour le pain type levain baguette garni d »avocat bourré d’huile d’olive…
Tout ça pour moi vous dites-vous ? OUI ! Trois entremets d’une délicatesse inouïe. Le premier inspiré du calisson aux accents que l’on distingue si bien (ça c’est une sacrée réussite) d’oranges confites, de melon et d’amande légèrement torréfiée. Je lui trouve peut-être un manque de texture (celle du calisson qui vous colle au palais et que j’adore) dans le sens où l’on est plus sur des mousses et un biscuit léger, mais qu’est ce que c’est bon. Le deuxième dégusté est un mont-blanc marron et cassis avec une jolie coque de chocolat poudrée de blanc. Ô quel accord prodigieux ! Marron et cassis, a-t-on trouvé plus joli, plus automnal et délicieux ? Je ne crois pas, il devrait aussi faire des merveilles en parfumerie celui-là. Crème fouettée, meringue croustillante, le mont-blanc dans toute sa splendeur. Le dernier, la tarte au chocolat sait manier la force d’un cacao très puissant, la fleur de sel, la douceur du caramel et la croustillance de petites plaques de sablé collées sur les côtés. Ce qu’utilise le chef pour palier à tout ce que je vous ai cité plus haut, ce sont des beurres de cacao, de coco, des eaux de pois chiche, de lin (qui gardent l’air emprisonné et permettent notamment de faire prendre les meringues), rien que des choses naturelles et d’origine connue (des pois chiches et des raisins secs du sud de la France)
Tout ça pour moi encore ? OUI ! Cookie bourré de grosses pépites de chocolat, brownie extra, sablés fourré de gianduja, barre de céréales et de fruits séchés, figolu avec sa tranche de figue fraîche et financier aux amandes piqué de myrtilles et d’amande. C’est bon, c’est bon, tout est extrêmement goûteux, délicat, équilibré, même si je n’en finis pas la moitié. Vous savez ce que je pense de la feuille d’or en cuisine ou en pâtisserie (rien de bon), mais je crois qu’elle est définitivement liée au palace…
Deux scones attachés ensemble, l’un aux pommes et je ne sais plus et l’autre dont la pâte est parfumée au thé earl grey. Je ne sais pas si c’est parce que je commence à ne plus avoir faim ou que je ne suis pas férue de scones, mais ils me laissent assez indifférente. Je suis quand même impressionnée par la texture de la crème végétale, très légère, avec cette légère sensation de gras qu’on attend d’une crème à scones (clotted cream dit-on de l’autre côté de la Manche, qui est obtenue à partir de lait cru chauffé et forme comme une crème épaisse bien goûteuse).
Tout cela est arrosé d’un thé blanc délicat et s’affiche donc pour la somme de 39 € si vous le commandez seul ou 70 € pour deux (35 € par personne). Vous ne savez que faire dans l’après-midi ? Rendez-vous au restaurant La Bauhinia du Shangri-La, dans ses teintes céladon et grenat, assis dans une banquette au rez-de-chaussée ou à l’étage sous le puits de lumière. Service palace en sus. Le bonheur. Qui réserve ?
Quant au défi technique, s’il passionne les pâtissiers et les journalistes, j’ai envie de dire que les clients qui ne s’intéressent que de loin aux coulisses ou au choix des ingrédients vegan ou non s’en fichent. L’important est de se régaler et ils y parviendront de toute façon.
Personnellement j’ai été décu par ce tea time, si on enlève le concept il ne reste pas grand chose je trouve…