J’aime les parfums, j’aime la pâtisserie et quand j’ai découvert Au cœur du goût, le livre que Pierre Hermé a écrit avec le parfumeur Jean-Michel Duriez, j’ai tout de suite eu envie d’en savoir plus sur les goûts du chef pâtissier en matière de parfum. L’entretien a lieu dans son bureau à Paris, ce n’est pas la première fois que je m’y rends, mais c’est la première fois que je m’apprête à parler si précisément de parfum ici avec lui. Au dessus de nous, un plafond est peint de teintes claires et d’une vie enchantée, Pierre Hermé est concentré, attentif à ce que je lui dis. Je lui ai apporté un exemplaire de la revue Nez, il se réjouit de la découvrir. De mon côté, je repartirai avec des brins d’immortelle de Corse séchés, un savon Rhubarbe Pamplemousse qu’il a créé en collaboration avec L’Occitane et une boîte de macarons, des cadeaux très précieux. Mais avant cela, je l’écoute. S’il y a bien un chef qui imagine ses desserts à la manière des parfums, c’est lui et c’est ce qui me fascine. Le mot « accord » dans la pâtisserie prend tout son sens chez Pierre Hermé… Framboise, rose et litchi d’Ispahan, chocolat au lait et fruit de la passion de Mogador, cream cheese, orange et fruit de la passion de Satine, des harmonies sublimes !
Pierre Hermé photographié par Stéphane de Bourgies / Au cœur du goût, Pierre Hermé, Jean-Michel Duriez, Editions Agnès Vienot
Depuis tout petit, Pierre Hermé a la curiosité des odeurs et se passionne pour les parfums, allant jusqu’à acheter lui-même les parfums qu’il destine à sa mère et sa grand-mère. Il porte du parfum dès l’âge de 12 ans. Parmi les premiers parfums et marques qu’il me cite : Paco Rabanne, Lacoste, Eau Sauvage de Dior, Pour Monsieur de Chanel, Un Jardin en Méditerranée d’Hermès, Eau Dynamisante de Clarins. S’il y a un parfum qu’il est capable de sentir tout de suite sur quelqu’un, c’est le mythique Aromatic Elixir de Clinique. Et il n’hésite pas à demander à des inconnus ce qu’ils portent.
Le chef a son orgue à parfum et ses mouillettes à disposition et travaille régulièrement dessus. Entre la création de goût et la création de parfum, « c’est la même démarche intellectuelle, mais ce sont deux univers très différents » explique-t-il. Quand il a créé des parfums pour L’Occitane, le chef a donc réfléchi autrement. « Ma connaissance pâtissière a une influence, mais je me mets dans une autre dynamique. Je ne cherche pas à utiliser des matières alimentaires ».
Pour créer son macaron pamplemousse, clou de girofle et muscade, il est parti de l’odeur de Concentré de Pamplemousse d’Hermès. Quand il a créé son macaron jardin japonais, pour retrouver le goût de la fleur de cerisier, « un goût que j’ai essayé de décomposer et de recomposer par ailleurs et d’analyser », le chef a utilisé du citron, de la fève tonka et de la griotte.
Avec le parfumeur corse Marc-Antoine Corticchiato qui a créé la très belle marque Parfum d’Empire, Pierre Hermé a découvert différentes facettes du thym. La nature corse évoque au chef pâtissier le chocolat à la népita, « qui n’est pas vraiment de la menthe », l’immortelle dont il ramène aussitôt un immense sac en papier garni d’immortelle séchée pour me la faire sentir, le cédrat, l’herba baronne, « une herbe des montagnes corses ».
Au sujet de la vanille, il a eu l’occasion de se prêter à un passionnant exercice avec Guerlain et le parfum Spiritueuse double vanille. C’est un travail sur les facettes que le chef a réalisé. Il y avait du rhum dans la composition de Spiritueuse double vanille et c’est ce qui lui a donné l’idée d’en mettre un tout petit peu dans sa tarte à la vanille, « 50 g de rhum pour 1,5 kg » précise le chef. « L’objet n’est pas qu’on le sente, mais que cela disparaisse dans un tout ». Avant cela, il y avait eu la tarte au café ajoute-t-il… En 1999, il déguste un café viennois, « le moment où la crème s’imprègne de café, c’est exactement comme ça que j’ai pensé la tarte au café ».
Le chef avoue être difficile dans le choix des bougies d’intérieur, Diptyque est pour lui le must, « c’est toujours juste, beau, élégant, raffiné ». Quand il a fait créer des bougies parfumées pour la maison Pierre Hermé, il s’est adressée à Olivia Giacobetti, qui a imaginé une odeur du fruit de la passion chaud pour la bougie Sucre de bois.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les créations du chef autour des parfums, je vous conseille le livre Au cœur du goût qui fait part des échanges entre le pâtissier et le parfumeur, les ressentis et les connaissances de chacun et une collaboration de trois ans qui donne lieu à des recettes inspirées de grands parfums. Femme de Rochas (pêche, rose et cumin), Océan à boire (concombre, mandarine)… Ce sont des correspondances et des évocations gourmandes. A aucun moment, il ne s’agit de donner un goût de parfum aux gâteaux.
Quel plaisir de lire la restitution de ce fameux entretien !
Tu parles aussi bien des parfums que des mets 🙂
Merci, ça me fait trèèèèès plaisir !